FAIM
Par domcorrieras, le mardi 18 mai 2021 - Poèmes & chansons - lien permanent
Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour la terre et les pierres.
Je déjeune toujours d'air,
De roc, de charbons, de fer.
Mes faims, tournez. Passez, faims,
Le pré des sons.
Attisez le gai venin
Des liserons.
Mangez les cailloux qu'on brise,
Les vieilles pierres d'églises ;
Les galets des vieux déluges,
Pains semés dans les vallées grises.
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Le loup criait sous les feuilles
En crachant les belles plumes
De son repas de volailles ;
Comme lui je me consume.
Les salades, les fruits
N'attendent que la cueillette ;
Mais l'araignée de la haie
Ne mange que des violettes.
Que je dorme ! que je bouille
Aux hôtels de Salomon.
Le bouillon court sur la rouille,
Et se mêle au Cédron*.
Enfin, ô bonheur, ô raison, j'écartai du ciel l'Azur, qui est du noir, et je vécus, étincelle d'or de la lumière nature.
De joie, je prenais une expression bouffonne et égarée au possible :
Elle est retrouvée !
Quoi ? l'éternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil.
Mon âme éternelle,
Observe ton vœu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu.
Donc tu te dégages
Des humains suffrages,
Des communs élans !
Tu voles selon…
— Jamais l'espérance;
Pas d'orietur.
Science et patience,
Le supplice est sûr.
Plus de lendemain
Braises de satin,
Votre ardeur
Est le devoir.
Elle est retrouvée !
— Quoi ? — l'Éternité.
C'est la mer mêlée;
Au soleil.
* Cédron : Torrent qui sépare Jérusalem du mont des Oliviers ; c'est près du Cédron que Jésus, trahi par Judas, est saisi par les gardes.
Arthur Rimbaud / Une saison en enfer / Délires II - Alchimie du verbe (extrait)