« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le pésan Bouge


 

 

Depuis longtemps ô l’allait pus,

O pouvait s’ment pus vendre les ufs

l’étiant chers quand ô l’en a peurtout

Bé dame ! le valant pus ren du tout

Y avons ps qu’à teser mout’goûle

O-n’à qu’avont fé dos poulets

Le baissant tot comme les gorets

Les pésans ont changé d’manière

L’avons dit au gouvernement

qu’l’alliant s’facher avant longtemps

Et qu’tôt l’monde étet en colère.

 

Et l’deux Octobre à Parthenay

Les Pouet’vins et les charentais

Dos pésans d’la piaine et do bocage

L’avant pris vouétures et tracturs

Autobus et vélomoturs

Et quittés teurtous leurs villages

L’étiant dic-mille à St Hermine

Avec dos pancartes sur l’échine

Disant : Faut virer la Cresson

O crève de faim en pienne moisson

Edith… Finie la rigolade

Et-temps d’arrêter tes salades

 

Y’avet dos gars qui causiant ben

Marcel Chiron, pis Guste Robin

Le disiant teurous le même chouse

Occupez-vous dos viroux d’bouses

Vous nous peurnez peur dos couillons

Faut augmenter les subventions

A bas Edith… criait Pilard

Un gars qu’est bé pus fin qu’un r’nard

Vu qu’l’avet fé les grandes écoles

Y avons raison d’avouère raison

Parc qu’ô l’est nous qu’avons raison

Enfin vouelà une bounne parole

 

A la Roche et dans l’Maine et Loire

Dame ô l’étet ine autre histoire

Les gendarmes faisiant poué d’épates

Les ufs pourris et les patates

L’en balanciant un p’tit partout

Devant, darrère à tous les bouts

Per boucher la goûle au Préfet

Le l’y ont dounné un p’tit goret

Poussé peur dessus la muraille

La Préfète a dit : tout va ben !

Bé… o va nous faire dos boudins

Et y’allons manger d’la goraille.

 

Est-chez nous que l’sont l’moins meuchants

L’avons tapé su l’gouvernement

Mais seul’ment avec dos paroles

De leurs emmerdements agricoles

En gueulan, l’avant défilé

D’la gare à la piace do marché

Pis l’on dit … : Faut s’rincer la gorge

Et pis barrer la route de Sain-Georges

Tos les gars se vont mis à trinquer

Avec dos verres de muscadet

Dret d’vant un fourgon d’la police

Mais ô mouillait comme vache qui pisse

 

Y raconte tcheu en rigolant

Mais tot l’monde en dit pouet autant

Surtout les jènes qui v’lant la piace

L’parlant d’pays sous-dév’loppés

L’s’en avant déjà occupés

Y pourrions p’etre ben prendr’la piace

Parc’qu’ô l’est teuryon d’meime chez nous

Y-a longtemps qu’y prétons dos sous

A tchés-là qu’en avont pas besoin

Mais faudra pas s’étounner si ô vint

Dans nout cinquième République

Que les pésans peurniant dos triques

Félix Moreau – Treize-Septiers - 1985
Illustration : « Les Vendéens demandent à Cathelineau de prendre la tête de l’insurrection » huile sur toile (1900) par Jules Gabriel Hubert Sauzeau dit Hubert-Sauzeau.
Collection Historial de la Vendée, Les Lucs-sur-Boulogne, dépôt du Musée Bernard d’Agesci, Niort.
Cliché Serge Bauchet - Conseil général de la Vendée – Conservation départementale des musées