Bruges
Par domcorrieras, le vendredi 26 février 2021 - Poèmes & chansons - lien permanent
Je n'ai pas oublié non plus les petites maisons
De briques nettes, ni les jardinets à demi fous
Sur les canaux, ni la patience morte des femmes
Qui voudraient crier sous l'éclat de verre, des faïences
Et des meubles cirés jusqu'à l'usure de leur rêve
(Et le voici qui va tout seul dans l'épaisseur du chêne
Avec ses deux mains en avant qu'on ne reconnaît pas,
Ce corsage plus sombre où bat le cœur qui se dédouble),
Ni les ponceaux très bas, les pavés comme des genoux
Enfantins, le balancement de robe des allées
Sous le ciel énorme et trempé qui flotte, retenu
Par l'averse de soie et les attelages de cygnes.
Tant d'impasses où la mémoire ou le ciel de nouveau
Descend comme un regard lavé par les premières larmes,
Et l'herbe folle dénouée ainsi que des cheveux
S'écarte ô genoux bleus, linges que l'air soulève à peine
A l'appel étranglé dans la gorge contre le mur
Qui refait le compte avec soin de ses petites briques,
Les ressuie avec soin d'un peu de sang ou de salive,
Borne des cœurs cloués quand battent les ailes du rire
Le plus secret, l'écartelé, quand le temps marche d'or
Et d'ombre entre les ponts et se rue en silence au fond
Des chambres d'ombre et d'or et sans déchirer la dentelle.
Jaques Réda / Récitatif