« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LES PAYSANS


 

 

Verts et rouges sonores devant la fenêtre.

Dans la salle basse, noircie de fumée,

Les valets et les servantes sont attablés pour le repas ;

Et ils versent le vin et ils rompent le pain.

 

Dans le profond silence de l'heure de midi

Tombe de temps à autre une parole laconique.

Les terres scintillent constamment

Et le ciel plombé et vaste.

 

Dans le foyer la braise tremble grimaçante

Et un essaim de mouches bourdonne.

Les servantes écoutent interdites et stupides

Et le sang martèle leurs tempes.

 

Et parfois se rencontrent des regards pleins de désir,

Quand une odeur animale souffle à travers la pièce.

Un valet récite d'une voix monotone la prière.

Et un coq chante sous la porte.

 

Et de nouveau aux champs. Un effroi souvent

Les saisit dans la rumeur bourdonnante des épis

Et crissantes vont et viennent

Les faux fantomatiquement en cadence.

Georg Trakl / Crépuscule et déclin traduction de Marc Petit et Jean-Claude Schneider Illustration : d'après une caricature de Trakl par Max von Esterle.