POUR VOTRE HÊTRE « SUPRÊME »
Par domcorrieras, le lundi 5 octobre 2020 - Poèmes & chansons - lien permanent
Très noble Hêtre, tout l'été",
Qui retint la splendeur esclave,
Voici ton supplice apprêté
Par un ciel froidement suave.
Cent fois rappelé des corbeaux,
L'hiver te flagelle et t'écorche ;
Au vent qui souffle des tombeaux
Les flammes tombent de ta torche !
Ton front, qui cachait l'infini,
N'est plus qu'une claire vigie,
À qui pèse même le nid
Où l'œil perdu se réfugie !
Tout l'hiver, le regard oiseux,
Trahi par la vitre bossue,
Sur la touffe où furent les œufs
Compose un songe sans issue !
Mais — ô Tristesse de saison,
Qui te consumes en toi-même,
Tu ne peux pas que ma raison
N'espère en le Hêtre Suprême !
Tant de Grace et de Vénusté !
Se peut-il que toute elle meure,
France, où le moindre nid resté
Balance une fière demeure ?
Mille oiseaux chanteront plus d'un
Souvenir d'atroces tangage,
Quand reverdira par Verdun
Sauvé, notre illustre Langage !
Paul Valéry / Pièces diverses de toute époque