« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J'aime la Loire

 

 

 

AU JOUR LE JOUR

 

J'aime la Loire.

Un vieux Tourangeau me racontait un jour : « Dites-moi,  quel fleuve autre que notre Loire pourrait arroser Orléans, Tours, Montsoreau et Saumur ? Heureusement qu'elle n'est pas navigable ! La voyez-vous dans le ciment ! Ce qu'elle souffrirait sous le poids des remorqueurs ! La Loire se défend avec ses sables. Elle est bien comme cela. Je l'ai toujours connue ainsi, comprenez-vous. Elle est ce qu'elle est, elle est notre Loire ».

Un pays sans rivière est un pays où l'on s'ennuie. donnez-moi de l'eau et me voilà dedans. J'aime la caresse de l'eau. C'est tellement vivant ! C'est toujours l'eau — et avec elle toutes les couleurs du ciel, des roseaux et des arbres — et pourtant, ce n'est plus la même : L'eau que je viens de toucher, elle est déjà là-bas affouillant les racines du saule…

Quand vient l'été, des centaines d'hirondelles noires nichent dans les berges du fleuve d'or.

Les villages des bords de Loire possèdent une flottille qui dodeline au moindre vent. Bateaux de pêche aux vives couleurs. A la belle saison, on fait cuire le goudron. On fignole les barques. N'y passe-t-on pas les meilleurs, les plus doux instants de sa vie ?

Sur la rive, dans cinquante centimètres d'eau, jouent les ablettes. Là-bas, une femme agenouillée frappe du battoir. Une vieille à bonnet suit sa vache. Le soir, des troupeaux entrent dans le fleuve refoulant des bourrelets deau. la lumière du crépuscule rougeoie sur les corps massifs.

Bruits de rames sur l'eau. dimanches ensoleillés. des citadins s'étendent sur l'herbe. Les grands peupliers accompagnent les cascatelles de l'écluse.

Toutes les églises d'Anjou sont pointues et l'on n'aperçoit pas le branle-bas des cloches. la vie du clocher reste mystérieuse.

Au pays des cigales, elles étoufferaient les cloches dessous les ardoises ! Elles sont ainsi à l'air bleu. Les hirondelles, le vent, le soleil viennent à tour de rôle leur dire bonjour.

Une moitié de la France vit au dehors. L'autre, se muche, s'encapuchonne. Oh ! comme les choses reflètent bien la pensée des hommes…

A Digne, l'été, on est encore dehors après le coucher du soleil. C'est tout naturel, il fait bon. On compte ses pas le long de la Bléone. On déambule jusqu'au Pigeonnier, parce que là, un courant d'air tombe des Dourbes.

Sous les platanes du Boulevard, les commerçants tirent les chaises. Pendant ce temps, comme chaque nuit, le ciel multiplie les étoiles.

Jules Mougin / La Grande Halourde / Au jour le jour