« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LO DE LO


 

 

Lo de lo, lo de lo *,

Je suis dans le défilé de Goyan,

C'est un défilé de hautes roches.

Fatoum a crié par trois fois :

Khamra, ma sœur, l'armée de l'Angleterre est une

     armée lourde,

De deux côtés, ils ont entouré nos foyers,

Mais il est agréable d'entendre les cris de nos

     hommes qui ont renoncé à la vie.

Tous les hommes s'exhortent entre eux et les voix

     des femmes se mêlent à leurs cris.

De loin, on entend les échos de nos vaillantes

     femmes qui disent :

« Aujourd'hui je suis la perdrix mâle du défilé de

     Goyan,

Je suis le bélier qui a grandi dans les hauts

     pâturages,

Je suis le flambeau des maisons de nos pères. »

Ne craignez rien, ô mes frères,

Rappelez-vous Le jour, ce jour entre les jours,

C'est moi, quand l'armée d'Angleterre nous assaillait

     de toutes parts,

Qui vous ai sauvés de la main des porteurs de

     drapeau.

Je suis dans le défilé de Goyan,

C'est un défilé plein d'arbres et de buissons,

Ils ont encerclé nos maisons,

C'est lourd l'armée anglaise,

Tellement plus lourd que nous.

Mais il vient agréablement le grondement des obus,

Et comme il est doux aussi ke sifflement du fusil

     de Tahir.

— Comme il est habile, mon petit Tahir ! —

De la main droite, il ouvre la culasse,

Et de la gauche, il l'emplit de balles.

Vous souvenez-vous de ce jour parmi les jours

Où je vous ai sauvé de la main des plus valeureux

     de leurs soldats ?

Je suis dans le défilé de Goyan, il est plein de

     peupliers,

Fatoum a crié : O Khamra, ma sur,

L'armée anglaise est lourde, ils ont assailli les trois

     montagnes.

Je suis aujourd'hui la perdrix mâle du défilé de

     Goyan,

Je suis le bélier nourri dans les hauts pâturages ;

Rappelez-vous du jour où je vous ai sauvés de la

     main des assaillants anglais.

 

 

 

* Poème d'exhortation au combat chanté par une femme (Irak)

Peuple Kurde / Anthologie de la poésie populaire kurde.
traduction Gérard Chaliand
Illustration : Le prince Bedirxan