« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

MISTRESS BRANICAN


 

 

Elle ne manquait pas de courage cette femme à croire
Que son mari allait revenir elle n’était pas seule au
Monde à avoir subi de telles épreuves un naufrage
Si étrange qu’elle n’était pas sûre qu’il fût définitif
Contre toute attente elle ne manquait pas de folie
Ses yeux étaient animés du même feu qu’autrefois
Resté de ses jours d’absence elle qui avait le teint
Un peu plus pâle que les autres femmes en tout
Cas sa noblesse d’esprit passait par quelques mots
Posés au milieu du silence sans doute recouvert
Par le choc du naufrage mu en un traumatisme
Elle avait un port de tête élégant qui la poussait
À se retenir de trop paraître après été perdue au
Milieu des hommes ceux qui restaient toujours à
Décider de sa vie comme si elle n’était pas capable
De la décider elle-même à défaut de mieux dans
Un monde idéal quelques œuvres charitables pour
Des orphelins lui tenaient lieu d’alibi cette douceur
N’était pas admise une telle complainte déchirante
Aurait abîmé les oreilles des managers malgré tout
Elle gardait le cap de son intuition formidable dont
Ses proches voulaient qu’elle se sépare trop pénible
À emporter avec soi sauf si c’était dans la tombe elle
N’aurait pas envie de paraître aux autres une dame
Funèbre les femmes d’aujourd’hui lui auraient confié
Qu’elle était trop moderne pour son époque qu’elle
Entrevoyait un espoir insensé dans la ligne de fuite
Qui allait au-delà de sa famille de l’emprise foncière
De son domaine drôle de personne qui n’avait pas
Besoin d’être éclairée pour garder sa croyance en
L’avenir oui c’était autre chose que de la religion
 

Patrice Maltaverne / Jeunes et vivants (extrait) - Précédemment publié sur le site Poézibao, ainsi que de nombreux autres textes de cette série. Voir ici : https://poezibao.typepad.com/poezibao/2020/07/feuilleton-jeunes-et-vivants-de-patrice-maltaverne-811.html