Cimetières
Par domcorrieras, le dimanche 24 mai 2020 - Poèmes & chansons - lien permanent
J'ALLAIS RAMASSER DES FÉMURS
Dans les fossés des cimetières
J'en faisais des tas
Des amoncellements
Des fagots
Une sorte de bûcher
Puis je récoltais
De la paille
Du lichen sec
Le duvet d'un oiseau tombé
A cette étoupe je mettais le feu
C'était le plus bel incendie
Donné à voir
La promesse d'un soleil noir de cendres
Qui s'efforcerait de luire
Rouge et poignant d'impuissance
Derrière le rideau de fumée
Il me fallait cacher le jour aux quelques humains
Qui erraient encore sur cette maudite terre
La cendre se dépose
S'assèche la rosée
Le sol n'est plus qu'une tourbe noire
S'improvisent en creux les traces des pieds
L'eau stagne
Des chiens squelettiques viennent y boire
Et aucune graine n'y germe
Et peu à peu au fur et à mesure
Disparition des hommes et des femmes
Le sol se vitrifie
Des marches haletantes
Montent la poudre des stupeurs
La poussière des étonnements
(Se savoir si sauvage)
La fumée pique les yeux
Torture la gorge
Les bouches désormais sans salive
Le livre dépiauté
Au pied du trône
Rongé par les souris
La marche dure
Aveugle
Parmi monuments en ruine
Parmi arceaux d'abbaye
Qui connurent gloire et majesté
Comme un chef d’œuvre
Se dressent les ombres
Les pans anguleux des forteresses que les brumes adoucissent
Trempe son pinceau le peintre
Sa plume l'écrivain
Dans l'encre noire des existences
A jamais renfermées sur elles-mêmes
Les fenêtres béantes
Ouvertes sur le vide
Livre ouvert au hasard
Coup de dé
Dans la splendeur de l'hiver
Le brouillard projette une boutique d'antiquaires
S'y vendent d'antiques squelettes
La mort à la criée
C'est une halte reposante
Sur le chemin
Le bord du précipice
Le moment des lèvres closes qui s'entrouvrent
Le triomphe de la légèreté
Les hommes libérés de la loi de l'apesanteur
Les âmes s'échappent vers les cieux
Ascension des joies en machines de Léonard
(Ou parapluie de Mary Poppins)
Les parachutes ascensionnels
Depuis les thermiques du bonheur
Tout en bas
Le gris des ardoises
En échiquiers multicolores
Une libération
Une explosion
Un éclair furtif de contentement
Jusque dans le regard des corbeaux
S'effondrent les murailles
L'écho trompette de Jéricho
Vibre dans le ciel
Souffle tout sur son passage
C'est une élévation
Une assomption
Les hommes prennent de la hauteur, de la grandeur; ils prennent, les hommes, leur envol.
Pascal Giovannetti