« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Il a chargé ses sacs de fleurs inversées la tête en bas


 

 

125

 

Il a chargé

ses sacs

de fleurs inversées

la tête en bas

 

Il crie

Comme nourris sur des tertres

Qui me cuisent plus que givre

Car tous de leur langue tronquent,

Parlant d'une voix qui siffle

Rien n'y sert, ni rains, ni ronces

Ni menace. Ils ont grande Joie

Faisant ce qui fait les traîtres.

 

Les trobairitz

sont remplies de mâles

et de haches

 

Elles portent

un monument aux mortes

avec leurs noms écrits

à la peinture salée

 

Alaïs

grand entrepôt de verre

rêve métallique d'enfant

bicyclette pour voir

dame noire des autobus

Almucs de Castelnou

Na Alamanda

Azalaïs d'Altier

Azalaïs de Porcairagues

Beatriz de Romans

 

Na Carenza

Na Castelloza

Clara d'Anduza

échelle retournée

robinet de plume

moineau à chaussure blanche

 

Garsenda de Proensa

Beatriz de Dia

rire des os fleuris

Gaudairenca

fenêtres encerclées

 

Guillelma de Rosers

Domna H

escalier de lame ouverte

Isabella

Na Iselda

Iseut de Capio

miroir saoulé

oreille végétale des nœuds

 

Marie de ventadour

Na Tibors

Syllabe du tintement

transformée en œil

 

Deux devineurs

de poèmes

les suivent

sur le trottoir

en distribuant

des pages de marbre

 

Pierre et René

soufflent dans des fémurs

creux de vautour

et notent la musique

sur leurs dents

 

La nuit se multiplie

dans tous les animaux

qui dorment

Les femmes soutiennent

des chapeaux

de raisin mûr

Serge Pey / Le Carnaval des poètes