« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Histoire du discours amoureux


 

 

— Je t'aime.

— Moi aussi.

— Je sais.

— Je sais que tu le sais.

— Je sais que tu sais que je sais que tu le sais.

— Et moi je sais que tu sais que je t'aime.

— Je sais que tu le sais et tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu sais que je t'aime, et je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu le sais.

— Et tu aimes que je le sache ?

— Oui, j'aime savoir que tu le sais; j'aime que tu saches que je sais que tu m'aimes, j'aime savoir que m'aimes et j'aime savoir que tu le sais.

— Et moi j'aime savoir que tu sais que je sais que tu aimes savoir que je t'aime.

— Je sais et j'aime aimer savoir que tu aimes savoir que tu saches que je sais que tu sais que j'aime aimer savoir que tu saches que je sais que tu m'aimes.

— J'aime savoir t'aimer.

— J'aime aimer savoir que tu saches aimer que je sache t'aimer.

— J'aime savoir que tu aimes savoir que je le sache.

— Et moi j'aime aimer que tu aimes le savoir.

— Je sais que tu m'aimes et j'aime savoir que tu sais que je le sais.

— Je t'aime.

— Je sais.

— Je le savais.

Jean-Michel Espitallier / Le Théorème d'Espitallier II (extrait)