« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Dans la forêt de Papiermühle


 

 

Dans la forêt de Papiermühle

on est jamais tout-à-fait seul

vieille petite sœur me l’avait dit

dans l’écarlate fraîcheur de la chapelle

Sainte-Croix perchée écureuil de pierre

par-dessus la vallée des forges et des houillers

elle est tant et si rouge cette terre

Marie de Magdala vieille petite sœur

chemine dans mes pas enjambe les grumes

caresse les fûts l’écorce des troncs érigés

lanciers casques d’aiguilles colonnes d’orgues

harpes noires tant et si hautes flûtes en cette

sylvestre passacaille pour un foutu bestiaire

j’ai planté ma tente dans la clairière

vieille petite sœur jamais tout seul

la nuit joli vacarme vacations animales

me suis levé pour aller pisser sur les fougères

une nuée de lucioles voletait et dansait

pépites de lumières chandelles ailées

mirifiques miroirs qui papillonnaient scintillants

autour de ma statue d’ombre urinant

sur le territoire des fourmis du mulot

et peut-être de la genette qui sait

sous la lune repassant ton linceul

vieille petite sœur de Magdala

dans le forêt de Papiermühle

 

Plus loin mon bâton m’a traîné

jusqu’au cimetière de Hombourg-Haut

cité élevée en étages boisés fleuris

où bruissent en joie les eaux des fontaines

on est jamais tout-à-fait seul

me disais-je devant la tombe

de monsieur Louis Théodore Gouvy

que tant de moucherons importunent*

fantaisie pastorale pour lucioles

et vieille petite sœur des arbres

de la forêt de Papiermühle

Dom Corrieras -Maizières-lès-Metz, février 2020
illustration :  moi-même dans les années 80-90 à NIce, d'après photo de mon ami Mirchel Warzee
plus bas : tombe de Louis Thédore Gouvy, à Hombourt-Haut


 

* « Qu'un musicien de l'importance de M. Gouvy soit encore si peu connu à Paris, et que tant de moucherons importunent le public de leur obstiné bourdonnement, c'est de quoi confondre et indigner les esprits naïfs qui croient encore à la raison et à la justice de nos mœurs musicales. »
Hector Berlioz - Journal des Débats, 13 avril 1851 (Source Wikipedia)