« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Chair de pêche


 

 

Par la présente, je t’offre une page du livre

de mes rêves : cette nuit, une fois de plus, ça a été

à hurler. Je me suis révélé nuisant insecte tandis

 

que tu étais pêche ; toqué, j’ai papillonné

autour de toi, atterri sur le duvet de ta peau, goûté

ta pulpe : lubrique hyménoptère piquant

 

sa trompe dans sa friandise. Or, l’hébétude

a envahi ma tête radoteuse : tu étais la drogue que

je suçotais… jusqu’au moment où tu m’as filé

 

une putain de gifle. aurais-tu refoulé l’épilogue,

ma chose à moi ? vide de t’avoir aspirée, je vrombissais

(tu as gratifié ma forme humaine d’une bourrade).

 

Qu’en déduis-tu ? Mon subconscient a révélé

une pulsion orale ; rien de neuf pour toi, n’est-ce pas,

ma gourmandise, mon addiction sans retour à

 

tes formes enrobées ? J’ai passé la journée à mon bureau ;

la lumière du jour a révélé des images plus civilisées,

par exemple : « Tes cheveux sont filés de soleil. »

 

En réalité, je voulais dire : « T’es d’un blond

mayonnaise. » L’image des frites te donne

un haut-le-cœur ? Au fond, j’aspire à te fourrer

 

dans ma bouche. Incontestable mauvais goût ! Mieux vaudrait

une rose, une lune, et sous ta jupe un crépuscule décent.

Mais me permets-tu d’abord de te croquer, chérie ?

Benno Barnard / Le service de mariage