« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Barbare


 

 

 

   Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les

pays,

   Le pavillon en viande saignante sur la soie des

mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)

   Remis des vieilles fanfares d’héroïsme — qui nous

attaquent encore le cœur et la tête — loin des anciens

assassins —

   Oh ! le pavillon en viande saignante sur la soie des

mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas)

   Douceurs !

   Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre, — Douceurs !

— les feux à la pluie du vent de diamants —

jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour

nous. — Ô monde ! —

   (loin des vieille retraites et des vieilles flammes,

qu’on entend, qu’on sent,)

   Les brasiers et les écumes. La musique, virement

des gouffres et choc des glaçons aux astres.

   Ô Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes,

les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les

larmes blanches, bouillantes, — ô douceurs ! — et la

voix féminine arrivée au fond des volcans et des

grottes arctiques,

   Le pavillon…..

Arthur Rimbaud / Illuminations