« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LA JEUNE FILLE


 

 

La jeune fille est blanche,

elle a des veines vertes

aux poignets, dans ses manches

            ouvertes.

 

On ne sait pas pourquoi

elle rit. par moment

elle crie et cela

            est perçant.

 

Est-ce qu’elle se doute

qu’elle vous prend le cœur

en cueillant sur la route

            des fleurs ?

 

On dirait quelquefois

qu’elle comprend des choses.

Pas toujours. elle cause

            tout bas.

 

« Oh ! ma chère ! oh ! là là…

… Figure-toi… mardi

je l’ai vu… j’ai rri. » — Elle dit

            comme ça.

 

Quand un jeune homme souffre,

d’abord elle se tait :

elle ne rit plus, tout

            étonnée.

 

Dans les petits chemins

elle remplit ses mains

de piquants de bruyères,

            de fougères.

 

Elle est grande, elle est blanche,

elle a des bras très doux.

Elle est très droite et penche

            le cou.

 

 

 

1889.

 

 

 

Francis Jammes / De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir