« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

La laine mange la bouillie de la lune


 

 

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La laine mange

la bouillie de la lune

 

Des épingles noires

retiennent les cheveux

de certains oiseaux

 

Les étoiles

sont des épines

et le ciel coud

les sandales

que nous avons perdues

Elles font

des dessins

qui dégorgent

sur les buvards

La terre

parfois pisse debout

comme une vieille

à côté d’un cheval

qui partage son jet

de pompier

 

Un autre juge

avait pour désigner

trois initiales

tellement son nom

était long

Il ne connaissait

du futur

que la rouille ouverte

au passage des boussoles

et des papillons

 

Pour lui

les fourmis

qui se déplacent

sur la terre ne sont pas

les points échappés

des phrases

que nous désertons

 

Les maternités

oublient

la voix

des oiseaux

qui les avortent

 

Ces juges

ont le pouvoir

de dire qui est

rivière morte

horloge de pain

lumière rôtie

par un papillon

ou encore lampe de fer

ou phrase

dans les étalages

des marchés du monde

 

Virgule

étoile buvant

une longue nuit

dans les ordures

et les ordres

des trous noirs

 

dans la foule

des rimailles

rampent

à leurs pieds

pour être éditées

avec de grosses chaînes

La poésie

vomit toujours

des costumes

et des arrêtés

 

Les timbres

remplacent

les morts

sur les enveloppes

et les poètes

collectionnent

des albums vides

qui parlent

de diverses

façons de tuer

Serge Pey / Le Carnaval des poètes