« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Suite chorale et vertébrale


 

 

Ma blessure gémit long,

suis un claudio-Mathusalem, le

claudiquant logé au frais de l’hiver, j’ai renoncé à sept Noces, mis à la porte le Beaujolais-nouveau comme à la rue, les enquiquineurs ! quasi seul à me le rappeler que la douleur inouïe m’a fait pisser sur la braillotte, alors je me préfère maison close, hastivement verrou fermé, sauf pour le calendar des Eboueurs, si le Facteur a le passage un peu rare, on milite encore pour le Boueux de notre enfance, avec lui on cause de grève à la dent dure, c’est inciser le chicot et profond avec plus de niaque qu’il fau- drait oui, comme un ouragan bien saoulé d’armagnac ! Avec le demi-kawa du matin je salue une seule éthique : ma maigreur de gargouille gothique, allez, remplis-toi le flanc mec, dame pomme de terre se porte à ravir et mérite sa frite à Namur, par ici à pneus d’hiver ou loin peu à pneus d’été, qui sait quoi faire avec l’énergie d’une salade aux pates : paroisse des liens, cure de curry à Metz-lès- Bains, mais aussi vient le pote et l’on y goûte à la belle veillée dans la chaumière : avec les reins rembourrés de crin, le canapé au salon c’est mon LEM sur la lune oui la santé comme à vingt balais on la relève avec le rêve, pour l’heure, touché de sa bonté, la pluie reste dehors. C’est plan sec fond de moi, bienvenue à la confiance comme au silence et son roulis princier, j’écris à nouveau ! En vieux schnoque néophile j’attends la moisson de verbe pas trop moisi d’attendre pis j’invite votre main dans la mienne à danser, pis votre cœur dans ma poitrine à graver grande signature érotique oui de la grâce du cœur se mouiller grave, je m’envaillance à fantaisie, poème mon huile de ricin d’où partout tenter quelque chose, totem de pleine santé, que c’est sa force vieillir debout et beau du désir doux vrai d’en finir avec ça : trébucher en couillon, ah ! c’est que pour réussir sa vie, la Bêtise tantôt veut nous pendre un François Villon, tantôt au moment même de la distribution des vœux du Facteur, elle lui casse les ver- tèbres ! Alors tendrement je lave mes yeux les mouillasse de couleurs chères à ma chair, tournée bleue chipée aux arcs en ciel, je rêve de fer solide, boulons ouvriers comme sur la dorsale de la Tour Eiffel, ligne de vie empreinte de cassures, mon âge est vieux, la grise mine de mémé me tombe sur la débine, ténor à l’orchestre national des Becs dans l’eau, déboires j’en ai connu plus que le Casanova ses conquêtes, mon scherzo éternue dans les coulisses bénisse petit Jésus, rythme et joie j’y crois et marche au gasoil des gazelles, au plus clair du dedans c’est de neige mon salon d’artiste, la bonté c’est l’émotion mijotée, en feu et folie et de la manière mienne, n’ai autant jamais marché depuis le bonhomme foudroyé, jamais paresseux d’écrire avec les encres, j’y vais avec cette chorégraphie du malheur qu’on écarte en musique, oui ma Blessure gémit long j’ai mis long temps à m’en remettre, tenter une cimentoplastie avec de la résine de poème à durcir

un poème ça en fait des choses

ça nettoie le vent de ses migraines

Ça complète la liste des commissions que Bach
a faite pour Dieu

 

Ça met de simples mots
dans la parole des gens
pour que des bons gens parfois
puissent causer aux étoiles
Un poème sert d’établi à des milliers
d’enfants qui font de leur mouchoir des
cerfs-volants en gloire

 

un jour ou l’autre
de la Méchanceté
on brisera menu les vertèbres
ainsi perdra-t-elle son droit dressé

à nous faire peur
comme ça

 

avec les petits os

on construit avec les oignons grelots
un repas assez bien fichu
pour faire musique

 

 

le poème fait poème
tant que la vie s’y met
à coup d’entrain contemporain

et de connivence vieille-France

tant que les gestes désarmants
honorent une roulotte
pleine de danse et la guitare
fait pareil que le feu mais en moins pire

on lance du sublime

 

à la gueule de l’essentiel
et mille enfants applaudissent !
oui se battre
pour un salaire d’oiseau et payer en poème

la Joie d’être né

plus rien de cruel ni d’empoisonné

la douleur est notre sœur qui offre une glace

au réchauffement climatique

c’est pas des conneries
voyez combien du bon côté des choses
elle se tient la poésie

un poème ça fait des enfants à la Vie
qui ne porteront jamais les armes !

Dieu bon, faudrait voter pour ça
ce programme de Voyou

aimer les Autres rien et rien d’autre
que de la vie

 

en toute poésie !

 

Claude Billon / journalier bordélique - 30 janvier 2020 (extrait inédit)