il

n’y a personne

ici

entre ces maisons ces arbres

ce canal

non

il n’y a personne

et pourtant

je regarde et ça déchire

quelque part

un peu

quelque chose d’humain

tellement terriblement humain

parce qu’ici il n’y a personne

c’est bien ça le secret

on pourrait dire même l’intime de la poésie

l’absence

le silence

quêter enquêter chercher rechercher

ou seulement regarder

là où il n’y a plus personne

la poésie

j’entends les mots de Dom.Corrieras

je n’écris pas je suis écrit

j’attends pour voir

encore un peu

comme ça déchire

en secret en sourdine

face à la mer le vent loin

les rochers

sans rien sans personne

je me souviens souvent

d’un dessin

représentant Corto Maltese

debout et regardant la mer

et ce mot seul

LOIN

comme seule pensée

ça tient à presque rien

la poésie

voire à rien du tout

Rimbaud écrivait

c’est faux de dire : je pense :

on devrait dire : on me pense

et il s’est tu

plus personne plus rien

rien que le désert

à perte de vue

de tout

à perte de sens

Gilbert Vautrin / une suite au Carnet noir (inédit)