« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L’ÉCORCHEUR DE CHEVAUX


 

 

Inutile de faire semblant

de fermer la porte sur l’aire

puisque Cozic viendra ce soir,

disait le père châtreur de truies.

Quand j’entendrai le lit remuer

j’irai chercher mon fusil.

Quand j’entendrai ses sabots sur l’escalier

j’irai chercher le garde champêtre

et tous les deux vous irez sur la route de Nantes.

Vous finirez vos jours ensemble

entre les poteaux patibulaires,

et ceux qui vous ont cachés,

votre mère et Yannick le pâtre,

la petite Marie la bergère

iront avec vous et votre écorcheur de chevaux.

— Taisez-vous, châtreur de truies,

et mettez votre main sur votre tête

pour savoir si vos cornes ont poussé.

— Plutôt que de vivre avec des femmes

qui ne rougissent pas d’aller à confesse

sans dire tous leurs péchés

j’aimerais mieux me jeter à l’Oder.

— Allez où vous voudrez pourvu que nous soyons libres

d’aimer qui nous aime.

Tenez ! Voilà votre bouteille de vulnéraire,

buvez votre compte et allez dormir.

Max Jacob / Poèmes de Morven le Gaëlique