« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Silence là-dedans !


 

 

Trop de monde, trop de bruit

trop de nuits cassées

trop de rêves dissipés !

Ça chante, ça parle, ça bouscule

ça crie, ça siffle, ça murmure

trop d'habitants dans ma tête

qui dansent sur mon silence

Arrêtez la cavale des mots fous

et la cohorte des moineaux tapageurs

terrassez la horde des pensées inquiètes

et des coquelicots qui déjà appellent le printemps

éloignez ces verbes excentriques qui chassent le réel

empêchez l'envolée de ces phrases qui parlent de tout et de rien

tirez à vue sur toutes les digressions

je ne veux plus ressasser l'inventaire du jour

et celui des musées de l’imaginaire

taisez les mots qui parlent à voix basse

les embusqués du subconscient

les pensées clandestines

les demi-mots, les petit mots, les dicos en goguette

et tous les souvenirs altérés

 

Laissez-moi vivre en moi, et seul

 

Je ne veux plus que ma tête soit ailleurs

quand je devrais être en moi et ici

donnez-moi du carré et des nombres

laissez partir les soleils de minuit

nourrissez-moi de tapioca, de patates et de chiffres

fermez la porte des folies

et tous les portiques de l'imaginaire

chassez ce hibou galéjeur qui ricane dans mes rêves

pourchassez les enfants poètes et leurs cerfs-volants

les jongleurs de mots et les papillons ivres

qui titubent autour des réverbères

congédiez mon neurone aux chimères

emprisonnez mes idées folles, mes pensées vagabondes

je veux la mise à l'arrêt des bruits qui courent

la mise en sourdine des verbes hauts, des jeux de mots

des gros mots, des traits d’esprit, des paroles en l’air

des désaccords et des accords et des promesses qui passent

 

Trop de monde, trop de bruit

trop de nuits cassées

trop de rêves dissipés

donnez-moi des mots d'ordre

des pensées à l'eau de rose

des pamphlets au pain béni

 

Donnez moi le sommeil et le silence des justes

fermez ma conscience et ses agitateurs

 

Allez, mots rebelles

Mots sauvages et petits rêves

ouste dehors !

 

Incroyable ! Je ne suis pas chez moi

dans ma tête

rien ne m'obéit

le désordre règne

comme quand le maître parlait au tableau

et jetait sur ma table des équations froides

en ces temps où le soleil attendait l'heure de la récréation

Rien n'a changé

les décennies ont passés

et dans mon lit

des mots des phrases des rires démentiels

squattent encore ma nuit

une cacophonie déchire mon silence

je cherche le calme et la paix

 

Il est trois heures

et la lune fait le guet

seule la caresse de mon chat

promène un silence bienveillant.

Publié le 26 janvier 2017 par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)