« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

MADRIGAL


 

 

Ma fille — ma, car vous êtes à tous,

Donc aucun d’eux ne fut valable maître,

Dormez enfin, et fermons la fenêtre :

La vie est close et nous sommes chez nous.

 

C’est un peu haut, le monde s’y termine

Et l’absolu ne se peut plus nier :

Il est si grand de venir le dernier,

Puisque ce jour a lassé Messaline.

 

Vous voici seule et d’oreilles et d’yeux,

Tomber souvent désapprend de descendre

Le bruit terrestre est loin, comme la cendre

Gît inconnue à l’encens bleu des dieux.

 

Tel le clapotis des carpes nourries

          À Fontainebleau

          A des voix meurtries

          Des baisers dans l’eau.

 

Comment s ‘unit la double destinée ?

Tant que je n’eus point pris votre trottoir

Vous étiez vierge et vous n’étiez point née,

Comme un passé se noie en un miroir.

 

La boue à peine a baisé la chaussure

De votre pied infinitésimal,

Et c’est d’avoir mordu dans tout le mal

Qui vous a fait une bouche si pure.

Alfred Jarry / Œuvres poétiques complètes