MADRIGAL
Par domcorrieras, le vendredi 15 novembre 2019 - Poèmes & chansons - lien permanent
Ma fille — ma, car vous êtes à tous,
Donc aucun d’eux ne fut valable maître,
Dormez enfin, et fermons la fenêtre :
La vie est close et nous sommes chez nous.
C’est un peu haut, le monde s’y termine
Et l’absolu ne se peut plus nier :
Il est si grand de venir le dernier,
Puisque ce jour a lassé Messaline.
Vous voici seule et d’oreilles et d’yeux,
Tomber souvent désapprend de descendre
Le bruit terrestre est loin, comme la cendre
Gît inconnue à l’encens bleu des dieux.
Tel le clapotis des carpes nourries
À Fontainebleau
A des voix meurtries
Des baisers dans l’eau.
Comment s ‘unit la double destinée ?
Tant que je n’eus point pris votre trottoir
Vous étiez vierge et vous n’étiez point née,
Comme un passé se noie en un miroir.
La boue à peine a baisé la chaussure
De votre pied infinitésimal,
Et c’est d’avoir mordu dans tout le mal
Qui vous a fait une bouche si pure.
Alfred Jarry / Œuvres poétiques complètes