UNE NUIT DANS LA PINERAIE
Par domcorrieras, le samedi 9 novembre 2019 - Proses & autres textes - lien permanent
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Une brise molle, ressemblant davantage à une fraîcheur mouvante qu’à une poussée de vent balayait de haut en bas, par instants, la clairière. En sorte que dans ma vaste chambre l’air se renouvelait la nuit entière. Je pensai avec dégoût à l’auberge de Chasseradès et aux bonnets de coton rassemblés, avec dégoût aux équipées nocturnes des employés et des étudiants, aux théâtres surchauffés, aux passe-partout et aux chambres closes. Je n’avais pas souvent éprouvé plus sereine possession de moi-même, ni senti plus d’indépendance à l’endroit des contingences matérielles. Le monde extérieur de qui nous nous défendons dans nos demeures semblait somme toute un endroit délicieusement habitable. Chaque nuit, un lit y était préparé, eut-on dit, pour attendre l’homme dans les champs où Dieu tient maison ouverte. Je songeais que j’avais redécouvert une de ces vérités qui sont révélées aux sauvages et qui se dérobent aux économistes. Du moins, avais-je découvert pour moi une volupté nouvelle. Et pourtant, alors même que je m’exaltais dans ma solitude, je pris conscience d’un manque singulier. Je souhaitais une compagne qui s’allongerait près de moi au clair des étoiles, silencieuse et immobile, mais dont la main ne cesserait de toucher la mienne. Car il existe une camaraderie plus reposante même que la solitude et qui, bien comprise, est la solitude portée à son point de perfection. Et vivre à la belle étoile avec la femme que l’on aime est de toutes les vies la plus totale et la plus libre.
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Robert Louis Stevenson / Voyage avec un âne dans les Cévennes (extrait)