« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

PIERRE MUSICALE


 

 

Voici le lieu où ils se reconnurent, les amants amoureux

   de la flûte inégale ;

 

Voici la table où ils se réjouirent l’époux habile et la fille enivrée ;

 

Voici l’estrade où ils s’aimaient par les tons essentiels,

 

Au travers du métal des cloches, de la peau dure des

   silex tintants,

 

À travers les cheveux du luth, dans la rumeur des tambours,

   sur le dos du tigre de bois creux,

 

Parmi l’enchantement des paons au cri clair, des grues à

   l’appel bref, du phénix au parler inouï.

 

Voici le faite du palais sonnant que Mou-Koung, le père,

   dressa pour eux comme un socle,

 

Et voilà, — d’un envol plus suave que phénix, oiselles et

   paons, — voilà l’espace où ils ont pris essor.

 

 

Qu’on me touche : toutes ces voix vivent dans ma

   pierre musicale.

Victor Segalen / Stèles