« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ici commence la mer


 

 

Ici commence la mer

dans l’eau de pluie

de ruissellement

dans le regard des trottoirs

en eaux gigognes

un lointain océan

dans les champs les rigoles

de rivière en cours d’eau

ici commence la mer

sur les neiges

quelques pluies acides

ouvrir sa bouche

laisser tomber ses flocons

quelques mégots des emballages

dans les eaux de drainage

les avaloirs d’eau pluviale

ici commence la mer

dans les abattoirs ou les décharges

les collecteurs d’eau les effluents

et dans ton évier

quelques bulles et quelques billes

les lessives et les huiles

les eaux grises les eaux usées

ces quelques médicaments

cachés ou comprimés

dans la bouche des égouts

la gueule des vaux

la houle des vagues

ici commence la mer

dans la cuvette des ports

comme des caniveaux

mouillent quelques lingettes

auprès des barques rangées

des cargos porte-conteneurs

le fuel lourd souffre des sillons

e rade quelques bouées

bouteilles en plastique

pour finir

dans le jardin

dans la gueule de tes bêtes

la chair blanche

sous les écailles

quelques microfibres synthétiques

des pailles des cotons-tiges

dans la bouche de tes filles

la chair rosée

sous leur peau

ici commence la mer

l’écume de la plage

dans les averses

et dans les vents

méduses de polyéthylène

les attraper sur la langue

ces quelques sachets plastiques

alors de vagues flocons

dans tes pleurs de permanence

d’une nature sa perte

ces larmes des gouttes de colle

n’empêcheront l’eau de couler

ici commence la mer

pourvu qu’elle ne coule

ici commence la faille

la dérive des particules

à l’endroit du laisser-faire

sous tes pas dans le sable

sans jamais faillir

je jette un mouchoir

un sachet encore ton gobelet.

Guylaine Monnier / in REVU la revue de poésie snob et élitiste N° 6
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