GIGOLO
Par domcorrieras, le mercredi 17 juillet 2019 - Poèmes & chansons - lien permanent
Bon tic-tac, je vais bien.
Les rues sont des crevasses lézardées
À pic, avec des trous pour se cacher.
Le mieux pour se voir, c’est un cul-de-sac,
Un palais de velours
Avec des croisées de miroirs,
Où se sentir à l’abri,
Sans photos de famille,
Sans anneaux dans le nez, sans cris.
Hameçons brillants, les sourires des femmes
Béent à mes appâts
Et moi, roulant mes noirs rupins
Je broie des seins gluants comme des poulpes.
C’est pour nourrir
Les violons des langueurs que j’engloutis de l’œuf —
De l’œuf et du poisson, mol régal,
Mollusque aphrodisiaque.
ma bouche arque
Sa moue de Christ
Quand ma machine arrive à bout.
Avec le cliquetis de mes
Joints d’or, mon art
De changer les femelles en remous d’argent
Déroule un tapis, en silence.
Et ça n’aura jamais, jamais de fin.
Je ne vieillirai pas. D’autres huîtres
Crient dans la mer et je luis
Mirant comme un Fontainebleau
Ébloui,
Tout un œil aux jets d’eau
Dur lequel, tendre moi,
Je m’incline et me vois.
Sylvia Plath / Arbres d’hiver
traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau