« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L’AURORE


 

 

L’aurore de New York

a quatre colonnes de vase

et un ouragan de noires colombes

qui barbotent dans l’eau pourrie.

 

L’aurore de New York gémit

dans les immenses escaliers,

cherchant parmi les angles vifs

les nards de l’angoisse dessinée.

 

L’aurore vient et nul ne la voit dans sa bouche

parce qu’il n’y a là ni matin ni possible espérance.

Parfois les pièces de monnaie en essaims furieux

percent et dévorent des enfants abandonnés.

 

Les premiers qui sortent comprennent dans leurs os

qu’il n’y aura ni paradis ni amours effeuillées ;

ils savent qu’ils vont à la fange des nombres et des lois,

aux jeux sans art, aux sueurs sans fruit.

 

La lumière est ensevelie sous les chaînes et les bruits

en un défi impudique de science sans racines.

Il y a par les faubourgs des gens qui titubent d’insomnie

comme s’ils venaient de sortir d’un naufrage de sang.

Federico García Lorca / Le poète à New York
traduit de l’espagnol par A. Belamich, P. Darmangeat, C. Couffon et B. Sese