« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Bonjour le rêve


 

 

Bonjour le rêve revenu gracié des mémoires

Qui laisse l’hier retenir les nuits anecdotières

Bonjour échos murmurant les entrains profonds

Des esprits pimpants pleins du souffle du vent

Couleurs et mots sont prononcés en félicité engagée

Le jasmin s’exhale, exulte et jubile propret et ramagé

Et les jardins s’ouvrent aux anniversaires des soleils

Pour que le vieux poète s’enivre de jouvence en éveil.

Vieux drille je suis, assidûment étranger

Tel un oyat des plages de colères arraché

Obviant vaille que vaille aux vergetures

Et à l'essor guindé des vaudevilles futurs

Du village qui m’a vu naître et les déconvenues

Passant par les cités d’ombres que j'ai connues

Jusqu'à Paris où j'ai chaviré de mes ailes d’agami

Étranger là où j'ai été et chanté, là où j'ai dormi.

Partout, je retrouve l'intime et cordiale galère

Teintée de culte comme une rente viagère

Et de quelques stances d'amours accomplies

Non renouvelées mais non vouées à l'oubli

Ô viens ! Fée des aurores qui exsude en charmes

Repoussant les allants de l’ennui et ses guisarmes

Prends-moi vite en ballade dans l’envol des cygnes

Au-dessus des lacs et étangs de vignobles insignes

Adieu les hivers sans affiches, sans luttes ni gloire

Adieu les ombres étouffées de monceaux de prières

Tant pis pour l’harmonie de vos brulures réinventées

je vole vers les yeux magiques de la muse et ses étés.

Tant pis pour les inquiétudes qui me sont acquises par vous

Tant pis pour vos ors et le satin des étoffes et leur frou-frou

Je prends du miel des lèvres de la muse, troublé et pourtant

Les virtuosités intimes ravivent mes sens à chaque instant

Un autre jour s'est toujours levé nouveau

là où j'ai conjuré la nuit et les profils médiévaux

Étranger dans ma maison sans pierres ni tuiles

Etranger urbi et orbi, dans mon livret de famille

Mon chez moi, le vrai, reste le cœur de mes amis.

L’effectif, l'affectif, fermé au tumulte des ennemis.

 

Djaffar Benmesbah / Inédit 2019