« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

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Le maître peut pleurer ; son serviteur

S’en est allé ; on ne peut ni le joindre

Ni le punir ni l’émouvoir. Il n’est pas orgueilleux

De sa liberté ; il ajoute même

 

À la douleur la tendresse de sa peur

Acide et impuissante qui parfois le pique.

Les maîtres sont ceux qui conservent ;

Ils conservent donc avec les dents et avec les ongles

 

Leur douleur aussi. Elle devient

Un bien, et la mort même qui peut la dissiper

A quelque chose qui a une valeur sociale.

 

Le jugement auquel il s’en tient, en devenant fou,

Est celui d’autrefois : il lui donne un amour aveugle

     pour la poussière

Puisque, comme toi, elle ne ressemble ni au bien ni

     au mal.

 

 

Rome, 10 mars 1972

 

Pier Paolo Pasolini / Sonnets
traduit de l’italien par René de Ceccatty