« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

À Venise


 

 

      Avec leurs huiles, leurs clairs-obscurs et leurs cadres dorés, ceux des musées et des églises sont-ils moins morts que ceux des cimetières ? Ou ces deux peuples d’ombres se parlent-ils d’une nuit à l’autre, muets pourtant, murés dans un même silence ? Mais échangeant encore des pensées, des regrets, des regards, peut-être même de très vieilles histoires dont quelques-uns gardent mémoire ?

      Ils y portaient l’épée, la lance, le casque, le bouclier d’or, et dormaient tard près de belles femmes rondes à l’ombre des lauriers.

      Volent-ils à présent très haut avec les dieux, les âmes, et tous les oiseaux de passage ? Ou sont-ils couchés à jamais, aplatis au fond d’une image ?

 

      Les anges sont de pierre depuis très longtemps, puisqu’il n’est pas d’autre manière d’échapper à la cendre. Les dieux, depuis toutes ces années, ont usé leur visage dans le marbre. Il leur manque un pied, une oreille, un bras, une épaule…

      La tombe, selon les cas, est d’or, de marbre, ou simple boîte cloutée de bois noir, accrochée au mur de l’église sous un voile de toile peinte.

 

Jean-Michel Maulpoix / Le voyageur à son retour