« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Demandez à l’intérieur


 

 

1

 

En passant sur le boul’vard

J’fus alléché on l’devine

Par la superbe vitrine

D’un grand marchand de homards

Y avait des crustacés

En train d’se serrer la pince

Et les langoustes tout’ minces

Rougissaient d’être coincés

 

Mais c’qui m’plut l’plus pour tout vous dire

C’est un’ pancarte prometteuse

Qui proposait des joies coûteuses

En une seule phrase que j’vais vous lire

 

Demandez à l’intérieur

C’que vous n’voyez pas en d’vanture

Venez tenter l’aventure

Nos produits sont les meilleurs

 

 

2

 

Me sentant émoustillé

Toc toc je frappe à la porte

Une petit’ vendeuse accorte

M’ouvre et dit : vous désirez ?

J’baisse les yeux sur son corsage

Voilà mon col qui m’étrangle

Et j’essaie de changer d’angle

Mais je m’sens tout d’suite en nage

 

Mademoiselle, je lui réponds

Votre vitrine est prometteuse

Elle est bien faite, elle est flatteuse

Et je dois dire qu’elle tourne rond

Mais j’veux voir à l’intérieur

C’que je n’vois pas en d’vanture

Car je suis curieux d’nature

Et j’ai pas d’maladie d’cœur

 

 

3

 

Ell’ m’emmène dans son chez soi

Elle habitait au sixième

Au premier je dis je t’aime

Au second j’lui r’tire ses bas

Au troisième, c’est son corset

Qui m’tombe entre les pattes

Au quatrième, c’est ses nattes

Au sixième… je r’descendais

 

Huit jours après cette conquête

Je dus subir chez mon médecin

Un traitement à tuer un chien

Qui me fit brailler à tue-tête

 

Laissez donc à l’intérieur

C’que vous n’voyez pas en d’vanture

Ne tentez pas l’aventure

N’changez jamais d’fournisseur !

Boris Vian / Chansons