« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Dans la Sierra


 

 

J’aime d’un fol amour les monts fiers et sublimes !

Les plantes n’osent pas poser leurs pieds frileux

Sur le linceul d’argent qui recouvre leurs cimes ;

Le soc s’émousserait à leurs pics anguleux.

 

Ni vigne aux bras lascifs, ni blés dorés, ni seigles,

Rien qui rappelle l’homme et le travail maudit.

Dans leur air libre et pur nagent des essaims d’aigles,

Et l’écho du rocher siffle l’air du bandit.

 

Ils ne rapportent rien et ne sont pas utiles ;

Ils n’ont que leur beauté, je le sais, c’est bien peu.

Mais moi je les préfère aux champs gras et fertiles,

Qui sont si loin du ciel qu’on n’y voit jamais Dieu.

 

 

España, 1845

Théophile Gautier.