« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

À LA DERNIÈRE NOTE DE TROMPETTE


 

 

d’après Clifford Brown

 

Avant de mourir j’avais des ailes

de cuivre et de musique en grappes

je me nourrissais.    Quant à elle

elle avait des cheveux de corde enroulée.

La nuit, je grimpais

jusqu’au crâne fantastique

du ciel.     Nu, fou de musique

et plongé dans le jazz

comme le flamboiement violent

de la Voie lactée.

Mon corps contre son corps

aveuglément :     Sa robe de nuit noire

disparaissait dans l’obscurité, le satin,

explosé en un sang

de musique dans son lit.

Comme le plafond arraché à la terre.

Comme un jardin de vignes

emmêlé dans ses cheveux.

C’est là que je suis tombé.

J’ai grimpé, elle s’est réveillée.

Chaque nuit la voix perdue

m’appelant sans cesse

depuis le ciel.

Ses seins comme des oiseaux, mes poumons

comme des ailes de cuivre.

 

Laura Kasischke / Mariées rebelles