Oursification
Par domcorrieras, le lundi 14 janvier 2019 - Poèmes & chansons - lien permanent
Comme un ours,
dans une fureur meurtrière,
contre le téléphone,
j’oppose
ma poitrine,
contre l’ennemi,
Et le cœur
s’enfonce dans l’épieu.
Il coule alors
des ruisseaux de cuivre rouge.
Des grondements et du sang.
Lape, obscurité !
Je ne sais
s’ils pleurent, ou pas,
les ours,
mais s’ils pleurent,
c’est vraiment ça.
C’est vraiment ça :
sans fausse compassion,
ils pleurnichent,
s’égosillent en longueur.
C’est vraiment ça, chez les ours,
Balchine*,
réveillé par les plaintes, râle, derrière le mur.
C’est vraiment ce que les ours peuvent faire :
impassibles,
le mufle en avant,
comme ils font,
hurler,
beugler,
et s’allonger dans une tanière,
et de vingt griffes lacérer leur couche.
Une feuille est tombée.
Un écroulement.
Inquiétude.
Que les pommes de pin automatiques
ne se fracassent pas d’un coup.
Il ne peut imaginer s’oursifier qu’ainsi
au travers des larmes et de la fourrure qui frangent ses yeux.
* Balchine : le voisin de Vladimir Maïakosvki, passage Lioubianski.
Vladimir Maïakovski / DE ÇA (1923)
traduit du russe par Henri Deluy