TRISTES ÉVÉNEMENTS
Par domcorrieras, le vendredi 14 décembre 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Si New York resplendit comme l’or
et qu’il y a des édifices avec cinq cents bistrots,
ici je laisserai écrit qu’ils ont été construits
avec la sueur des champs de canne à sucre :
les plantations de bananiers sont des enfers verts
pour qu’à New York on boive et on danse.
Et lorsque à cinq mille mètres d’altitude
les Chiliens crachent du sang
pour envoyer le cuivre à New York,
les Boliviens s’écroulent de faim
égratignant les grottes d’étain,
détruisant les murs des Andes,
et l’Orénoque égrène dans la boue
les diamants de ses racines.
Sur la terre panaméenne qu’ils ont volée,
sur les eaux qu’ils ont volées, à New York
vont les navires avec notre pétrole,
avec les minéraux extorqués
que nos gouverneurs médaillés leurs livrent
avec de grandes révérences.
Le sucre élève les murs,
le nitrate du Chili les villes,
le café du Brésil achète les lits,
le Paraguay leur offre des universités,
de la Colombie ils reçoivent des émeraudes,
de Puerto Rico partent pour leurs batailles
les soldats de ce peuple « associé ».
(Ils combattent de cette singulière manière :
les Nord-Américains donnent les armes
et les Portoricains donnent leur sang.)
Pablo Neruda / Chanson de geste