« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

EXCURSION NOCTURNE (extrait)

 

 

III

 

J’ai regardé le décor.

 

Rhône sur fond de presqu’île.

 

Et je me suis mis à penser

Qu’il est là;

dans ces rues,

comme d’habitude,

qu’il met des coups,

le fameux,

      l’inaltérable,

 

      Mastoc Faux-Cil pour Laideur Publique!

 

Que je suis, une fois de plus, l’ensemble des divisions

de mon être et tout ça

multiplié par l’expérience de fourrer mon nez dans la ville

qui n’est plus la même chaque matin,

et je me raconte cette histoire,

qu’il y aurait beaucoup de Jésus-Christ,

si les villes d’un pays étaient des Hommes.

Et pourtant ce sont des amas d’Hommes.

ceux-ci mêmes dont on se dit des fois qu’ils sont sans âme…

qui prient la Madone, ou font semblant;

d’autres

amadouent des Dames qu’ils rêvent de couvrir d’or

et donnent

tout de même raison à des soi-disant dandys-rigeants

qui eux ont l’air si doux et sont aigris

et ils cautionnent l’alphabet du porc du képi

et

institutionnellement,

je veux dire: naturellement,

on doit décemment s’exprimer en bon français,

en bon vieux français de cette bonne vieille France usée,

ravagée par des guerres et des hommes

célèbres,

à qui on rend hommage comme à des parents lointains,

crevés pour nous embellis habillés des haillons de l’Europe,

 

pour leur one man show posthume au spectacle du souvenir.

 

Alors on doit suinter de la mémoire, aussi, avec eux,

dans les salles de classe,

dans les musées,

dans les réunions culturelles,

dans l’adoration des images forgeresses,

suinter mais en bon français,

en oubliant

au passage,

qu’Internet ravage la langue française

avec de nouvelles définitions de nouveaux mots

et que le pire dans tout ça c’est que

ça lui fait du bien,

et récemment,

je veux dire: sans cesse,

ils balancent leur regard bleu dans les yeux ouverts

des enfants de la ville qui ont été très souvent

des yeux rouges qui brillent et des grandes pupilles

ils ont peur

et se noient dans eux-mêmes

  et sont noirs parfois dans le cœur comme le drapeau de leur

    Anarchie Utopique

qui pique les yeux

avec des Lacrymos dans ces yeux ouverts

 

sur la réalité de l’impossibilité d’une île.

 

Les enfants de la ville ne veulent plus se consoler

en se rangeant un jour

à la place la moins pourrie possible

histoire de faire des gosses.

 

Et ça les rend tristes d’être paumés entre

suivre le cours de l’envie et celui de la bourse

et certains même

qui n’en peuvent plus de ne pas savoir quoi faire

se jettent dans le Rhône pour suivre le cours du fleuve

et arriver morts à la mer entre nos merdes et le oeu d’eau pure

qui reste et le murmure quand-même des vagues

et finalement l’air marin.

 

Et ça rend tout le monde triste mais on ne peut pas s’en empêcher

c’est comme ça

et c’est toujours à ce moment là

que je me questionne sur l’utilité du travail sur soi

quand je me sens seul à vouloir devenir bon et juste et transparent

et surtout modéré, oui, modéré,

et je suis triste pour les villes qui portent tant de poids,

il y a tant de Virus multicolores

dans leurs veines toujours renouvelées

où roule toujours le même sang

contaminé par la Maladie Humaine

C15RS et V6

16 soupapes.

José-Simon Narvaez / Excursion nocturne et autres poèmes