« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

AU SOIR

 

 

Un ruisseau bleu, sentier et soir le long de cabanes en
     ruine.
Derrière de sombres buissons des enfants jouent avec
     des boules bleues et rouges ;
Plusieurs changent leur front et les mains pourrissent
    dans le feuillage brun.

Dans le silence osseux brille le cœur du solitaire,
Se balance une barque sur des eaux noirâtres.
À travers le bois sombre voltigent les cheveux et le rire
    de filles brunes.

Les ombres des vieux croisent le vol d’un petit oiseau ;
Secret de fleurs sur leurs tempes.
D’autres chancellent sur des bancs noirs au vent du
    soir.

Des soupirs dorés s’éteignent doucement dans les
    branches nues
Du châtaignier ; un son de cymbales sombres de l’été,
Quand l’étrangère sur l’escalier en ruine paraît.

Georg Trakl / Choix de poèmes épars (1912-1914)