Compagnons, contenez-moi, je suis furieux
Par domcorrieras, le lundi 18 juin 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Compagnons, contenez-moi, je suis furieux
De ces choses que j’ai entendues et vues :
Une dame s’est plainte à moi à cause de ses gardiens.
Elle dit qu’ils ne respectent droit ni loi,
Et qu’ils la tiennent harnachée tous les trois ;
Et si l’un lâche la bride, l’autre tire plus serré.
Et ces trois-là ont entre eux de telles mœurs
Que l’un est aussi charmant qu’un charretier,
Et qu’ils font un bien plus grand vacarme que l’armée du roi.
Et moi je vous dis, gardiens, et vous préviens
(Bien fou sera celui qui ne me croit pas)
Vous verrez rarement un garde qui ne somnole pas.
Car jamais ne vis dame si vertueuse
Qui, si on l’éloigne — niant son courroux
Ou sa merci — de Prouesse n’épouse Méchanceté.
Si vous l’écartez du bon équipement
Elle s’arrange de ce qu’elle a près d’elle :
Si un cheval ne peut avoir ? Elle achète un palefroi.
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Compaigno, non puosc mudar qu’eo no m’effrei
Compaigno, non puosc mudar qu’eo no m’effrei
De novellas qu’ai auzidas et que vei :
Qu’una domna s’es clamada de sos gardadors a mei.
E diz que non volo prendre dreit ni lei,
Ans la teno esserada quada trei ;
Tant l’us no∙ill larga l’estaca que l’altre plus no la∙ill plei.
Et aquill fan entre lor aital agrei ;
L’us es compains gens a for manda-carrei,
E meno trop maior nauza que la mainada del rei.
Et eu dic-vos, gardador, e vos castei
(E sera ben gran folia, qui no∙m crei) :
Greu verretz neguna garda que ad oras non sonei.
Qu’eu anc non vi nulla domn’ab tan gran fei,
Qui non vol prendre son plait o sa mercei,
S’om la loigna de proessa que ab malvestatz non plaidei.
E si∙l tenetz a cartat lo bon conrei,
Adoba∙s d’aquel que troba viron sei :
Si non por aver caval {ela} compra palafrei.
Guillaume d’Aquitaine / Le Néant et la Joie
Présentation et traduction de Katy Bernard