LA FILLE DE LONDRES
Par domcorrieras, le vendredi 12 janvier 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Créée par Germaine Montero
I
Un rat est venu dans ma chambre.
Il a rongé la souricière,
Il a arrêté la pendule
Et renversé le pot à bière.
Je l’ai pris entre mes bras blancs.
Il était chaud comme un enfant.
Je l’ai bercé bien tendrement.
Et je lui chantais doucement :
Refrain
Dors mon rat, mon flic, dors mon vieux boby,
Ne siffle pas sur les quais endormis
Quand je tiendrai la main de mon chéri.
II
Un chinois est sorti de l’ombre,
Un chinois a regardé Londres,
Sa csquette était de marine
Orné’ d’une ancre coralline.
Devant la porte de Charly,
À Pennyfields, j’lui ai souri,
Dans le silence de la nuit,
En chuchotant je lui ai dit :
Refrain
Je voudrais, je voudrais je n’sais trop quoi,
Je voudrais ne plus entendre ma voix.
J’ai peur, j’ai peur de toi, j’ai peur de moi.
III
Sur son maillot de laine bleue
On pouvait lire en lettres rondes
Le nom d’une vieill’ « Compagnie »
Qui, paraît-il, fait l’tour du monde.
Nous sommes entrés chez Charly,
À Pennyfields, loin des soucis.
Et j’ai dansé toute la nuit
Avec mon Chin’toc ébloui.
Refrain
Et chez Charly, il faisait jour et chaud.
Tess jouait « Daisy Bell » sur son vieux piano
Un piano avec des dents de chameau.
IV
J’ai conduit l’Chinois dans ma chambre.
Il a mis le rat à la porte,
Il a remonté la pendule.
Il a rempli le pot à bière.
Je l’ai pris dans mes bras tremblants
Pour le bercer comme un enfant.
Il s’est endormi sur le dos…
Alors, j’lui ai pris son couteau.
Refrain
C’était un couteau perfide et glacé,
Un sal’ couteau rouge de vérités,
Un sal’ couteau roug’… sans spécialités.
(1926-1951.)
Pierre Mac Orlan / Chansons pour accordéon