MANIFESTE POPULISTE
Par domcorrieras, le jeudi 7 décembre 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
Sortez de vos placards, poètes !
Ouvrez vos fenêtres, vos portes,
Vous vous êtes terrés trop longtemps
dans vos univers clos.
Descendez, descendez du haut de
vos Collines Russes, Collines du Télégraphe,
Collines du Phare des Chapelles,
Monts Analogues ou Monts Parnasses,
contreforts et montagnes,
sortez de vos tipis, vos dômes.
Les arbres chutent plus que jamais
nous n’irons plus au bois.
Plus le temps de s’y cacher
Aujourd’hui que l ‘homme a mis le feu
à sa maison pour faire rôtir le cochon.
PLus de psalmodies Hare Krishna
quand Rome brûle.
San Francisco de Maïakovski brûle
les énergies fossiles de la vie.
La Nuit & le Cheval approchent
consomment lumière chaleur courant
les nuages ont des pantalons.
Plus le moment de se cacher pour l’artiste
dessus derrière au-delà des scènes,
à se limiter indifféremment les ongles
à s’exclure de la vie en coupant les cheveux en quatre.
Finis nos petits jeux littéraires,
plus de temps pour nos paranoïas nos hypocondries,
plus de temps pour la peur la haine,
plus de temps pour l’amour la lumière.
Nous avons vu les meilleurs cerveaux de notre génération
détruits par l’ennui aux lectures de poésie.
Poésie n’est pas société secrète
N’est pas non plus temple.
Psaumes mots secrets ne fonctionnent plus.
Finie l’époque du om om
l’époque du gémissement,
du gémissement réjouissement
à propos de la fin de
la civilisation industrielle
mauvaise pour la terre et pour l’humanité.
Venu le temps de faire face au monde
position du lotus total
yeux grands ouverts,
Venu le temps d’ouvrir la bouche
le temps de communiquer avec tous les êtres sensibles,
Vous tous « Poètes des Cités »
qu’on accroche dans les Musées, moi inclus,
Vous tous poètes pour poètes écrivant poème sur la poésie
Vous tous déconstructivistes poètes des langues mortes
Vous tous poètes d’ateliers de poésie
au fond du fond de la cambrousse américaine
Vous tous les Erza-Pound domestiques
Vous tous les poètes pétés poètes déjantés poètes cut-up
Vous tous les Concrets précontraints
Vous tous les cunilinguistes
Vous tous les poètes de toilettes payantes avec vos graffiti
geignards
Vous tous les swingueurs de trains de luxe qui n’avez jamais fait
swinguer la moindre branche de bouleau*
Vous les maîtres débiteurs de haïku à la chaîne de bois
au fond des Sibéries de l’Amérique
Vous les irréalistes privés d’yeux
Vous les suprasurréalistes qui vous masquez à vous -même
Vous les visionnaires de chambre à coucher
vous les agitpropagateurs de bureau
Vous les Groucho Marxistes
vous les Camarades de classe confort
qui passez vos journées à glander
tout en parlant du prolétariat de la classe ouvrière
Vous les anarchistes Catholiques de la poésie
Vous les Black Mountaineers
Vous les Brahmanes de Boston les bucoliques de Bolinas
Vous les mères amazones de la poésie
Vous les frères zen de la poésie
Vous les amants suicidaires de la poésie
Vous les professeurs pileuxpoilus de la poésie
Vous les critiques de poésie
qui buvez le sang des poètes
Vous la Police de Poésie —
Où sont passés les enfants sauvages de Whitman,
les grandes voix qui parlent haut et clair
avec le sens de la douceur et du sublime
où sont la grande vision nouvelle
la grande vision mondiale
le haut chant prophétique
de la terre immense
et tout ce qui chante sur la terre
Et notre relation à la Terre —
Descendez, poètes
à nouveau dans les rues du monde
Ouvrez vos esprits vos yeux
avec la joie visuelle ancienne
Éclaircissez votre gorge parlez clair,
La poésie est morte vive la poésie
avec ses yeux terrible sa force de bison
N’attendez plus la Révolution
qui risque sinon d’arriver sans vous,
Arrêtez de marmonner parlez distinct
une poésie neuve grande ouverte
une poésie d’ »espace publique » communo-sensuelle
à d’autres niveaux de subversivité
un diapason dans l’oreille interne
à faire vibrer d’en-dessous.
Chantez encore et encore votre doux Moi-Même
Tout en prononçant le mot « en masse » —
Poésie le véhicule commun
pour transport du public
vers des terrasses plus hautes
que là ou portent d’autres roues.
Poésie tombe toujours du ciel
dans nos rues large ouvertes pour la recevoir.
Ils n’ont pas encore mis de barricades,
les rues grouillent toujours de visages vivants,
des hommes des femmes admirables y marchent
partout vont de splendides créatures,
dans leurs yeux à tous à toutes le secret absolu
est toujours enfoui,
les enfants sauvages de Whitman dorment
se réveillent chantent toujours à ciel ouvert.
* Allusion à un célèbre poème de Robert Frost
Lawrence Ferlinghetti / traduction de Jacques Darras