« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Poète avec pomme de terre en petite chemise


 

 

 

 

Ma Belle de Fontenay, ma Roseval, ma Viola,

ma Géante violette de Jersey, ma Vitelotte d’autrefois,

ma Désirée, ma Stella, ma Charlotte, ma Nicolas,

ma Franceline, ma Pousse Debout, ma Pompadour,

— ma Reine de tous les jours, à tous mes repas ! —

ma Rosabella, ma Rosine, mon Estima,

ma Magnum Bonum, ma Manon, ma Samba, ma Mona Lisa

— a ! aa ! aa ! aaa ! vocalise-t-il comme à l’opéra ! —

Ah ! mes Divas, mon Urgenta

(y’a urgence parfois, n’est-ce pas ?)

ma Bintje pour qui j’ai un bountje typiquement bruxellois,

ma ratte du Touquet (plus radine que ratte, en effet,

mais quel morceau de choix qui n’a d’égal

que la corne de gatte de Florenville et par-delà !)

même à toi, ma très moderne B.F. 15, à toutes

— fort opulentes, bien en chair ou plus minces,

voire en forme de saucisse oblongue ou parfaitement

rondes et rubicondes de joie ! — à toutes — sans exclusive ! —

quelle que soit votre provenance

(Hollande, Belgique, Flandres, Merveille d’Amérique,

du Canada ou de la France)

que vous soyez jaunes, rouges, roses ou blanches,

laissez-moi vous appeler : mes chéries ! Laissez-moi

vous dire et vous nommer : mes patates chéries,

laissez-moi hurler : ah ! purée de purée !

 

Qu’est-ce que je vous aime !

 

Que ce soit en robe des champs ou de chambre

(même s’il y a une sacrée différence) que ce soit

en pommes Duchesse, en galettes, noisettes

ou croquettes prêtes à se laisser croquer, que ce soit

en mousseline transparente ou sous la cendre

où mon cœur couve d’impatience, peu importe

pourvu que ce soit une nuit, un jour, une fois

(plusieurs rendraient notre Poète gaga !) pourvu que ce soit

en chemise ! Oui ! En liquette ! À tu et à toi !

Sans fioritures, ni épluchures, ni falbalas !

 

À cul et à chemise, quoi !

 

Voire à cascasse à cul tout nu comme on dit

en Ardennes, entre Rethel, Attigny et Rocroi !

 

Poil au patois !

Jean-Pierre Verheggen / Poète bin qu’oui, Poète bin qu’non ?