« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

SURGIRENT vêtus en « amis »


 

 

 

VII

 

 

        SURGIRENT

vêtus en « amis »

        d’incalculables fois mes ennemis

leurs bottes foulant le sol ancestral.

        Or ce sol n’eut jamais d’affinités avec leurs talons.

Apportant

        l’Expert, le Colonisateur et le Géomètre,

des livres pleins de mots et de chiffres,

        la Toute-Puissance et Toute-Obéissance,

ils ont domestiqué le feu ancestral.

        Or ce feu n’eut jamais d’affinités pour leurs foyers.

Nulle abeille un seul instant ne s’est laissé prendre à l’or ayant 

inspiré son jeu

        nul zéphyr un instant, aux blancheurs soulevant les tabliers.

Ils érigèrent et fondèrent

        sur ces monts, dans ces vallées, dans ces ports

tours inébranlables et villas

        navires et autres bois flottants,

les Lois, celles qui prescrivent l’exploitation et le profit,

        fondant leur application sur l’aune ancestrale.

Or cette aune n’eut jamais d’affinités pour leur pensée.

        Nul sillage de divinité dans leurs âmes n’a laissé le moindre

        amer

nul clin d’œil de néréide n’a tenté de leur dérober la parole.

        Surgirent

vêtus en « amis »

        d’incalculables fois mes ennemis,

nous faisant présent de cadeaux ancestraux.

        Mais en substance leurs cadeaux n’étaient rien

d’autre finalement que fer et feu.

        Entre les doigts écartés qui attendaient

rien que des armes et du fer et du feu.

        Rien que des armes et du fer et du feu.

Odysséas Elytis / Axion Esti / Psaume VII