« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Les folies-giboulées


 

 

 

 

Diable de temps qui fait ce qui lui plaît

À Nice étant se croit au Châtelet

Et prend la Promenade des Anglais

           Pour une chausse-trape

On y rencontre un étrange charroi

Des gens cousus d’or qui tremblent de froid

Et des gens tout nus qui cherchent un roi

           Des filles et des frappes

 

Têtes d’oiseaux qui tournent à tout vent

Prêtes à tout faire Atout cœur Je vends

Jouez sur la noire Entrez au couvent

           Si ce n’est au théâtre

Rien ne se dit qui n’ait l’air d’un écho

La mer a pris un vert haricot

Voilà qu’il repleut sur le Negresco

           Plus blême que le plâtre

 

Diable de temps qui ne sait ce qu’il veut

Mars se mouchait qui se sentait morveux

Pas plus tôt plu que le ciel se fait bleu

           Comme un billet de mille

Cette ombre neuve attachée à tes pas

Qu’en as-tu fait qu’on ne la trouve pas

Tu l’as vraiment vendue un prix trop bas

           Pauvre Peter Schlemihl

 

Tu cherches partout une ombre d’emprunt

Exilé des murs et du sol commun

Symbole ambulant de quarante-et-un

           Tirant la queue au diable

Diable de temps qui met sa montre au clou

Sa femme ailleurs et n’en est pas jaloux

Et qui prétend qu’il n’a pas peur du loup

 

Diable de temps Pas de bonheur sans bon

On a des chapeaux comme des bonbons

En fait de bouquets on offre un jambon

           La consigne est d’en rire

Diable de temps ceux qu’on disait amis

Sont ennemis avant qu’on soit remis

Le noir est blanc le défendu permis

           Le meilleur est le pire

Louis Aragon / Les nuits