« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Je suis Babouillec


 

 

    

    Je suis Babouillec très déclarée sans paroles.

    Seule enfermée dans l’alcôve symétrique, nourricière souterraine de la lassitude du silence, j’ai cassé les limites muettes et mon cerveau a décodé votre parole symbolique, l’écriture.

    Je tue mes démons silencieux dans les tentatives singulières des sorties éphémères de ma boîte crânienne.

    Savoir marcher sur le fil tendu entre la frontière des densités humaines sauve de l’isolement.

    Rien dans l’immatérielle déconstruction sensorielle ne justifie la lecture des codes. Je suis enregistrée dans un endroit bizarre de la vie et la pensée nourricière poétique dans cet espace galope comme un cheval fou.

J’ai écrit des textes lisibles je crois, les frontières des osmoses entre les mots m’échappent toujours et encore. Le prisme éponyme tentaculaire taraudant mes neurones projette ou avale l’identifiable matière de mon cerveau.

    Pourquoi faut-il être en accord avec le tout petit rien de nos mécanismes mentaux pour ouvrir le passage à l’acte du corps cérébral ?

    Je m’interroge.

    La perpétuelle somation poétique qui traîne dans mes cellules grises, souterraines habitantes noctambules incapables de croiser la lumière du jour sans invitation, m’oblige à dépasser les limites carcérales du rien et je sors de a carapace.

    Tout séisme surhumain nourrit sa passion de l’âtre je crois, alors on identifie le chemin à transgresser pour atteindre les autres cerveaux.

    Mettre mes sonorités poétiques envahissant tout l’espace fermé de mon crâne sur l’alignement du dédale des mots est ma recherche perpétuelle.

 

***

 

    Indéfinissable passion titubant dans l’habitacle soyeux de mes états anonymes, l’écriture nourrit mon appétit odalisque, mémorisant tout sur son passage.

    Schiste granitique mon cerveau dimensionne ma grandeur dans le silence iconoclaste des largués sensoriels.

    Poète sans papiers, sans origines littéraires, sans règles sociales.

    Ma vie n’est pas enregistrée dans l’ordre d’une identifiable sensorialité mécanique.

    Très à fleur de peau, mes indicateurs autistiques inhibent tout rapport direct avec la vie ordinaire.

    L’opposition des mondes silencieux et sonore apporte un rythme indicateur tout naturellement.

    Sortir par hasard dans l’immense terrain vague nichant l’écriture poétique m’a permis de défricher ma perception du monde identitaire ou le comment exister.

    Sans avoir appris à lire ni à écrire j’ai eu la chance de tordre les méthodes thérapeutiques pour garder mon identité intellectuelle.

    Je ne parle pas et espère trouver un jour le chemin de cette forme de langage.

 

    Nous sommes soumis à l’invitation au voyage identitaire tout en construisant nos rapports à nous-mêmes et à la vie.

    Écrire m’aide à me structurer socialement et mécaniquement.

    L’écriture jaillit par intempérance, goutte à goutte du fond poétique de l’ivresse des mots.

    Dans la folie de l’obéissance d’être en vie, j’accuse l’infinie gourmandise jubilatoire de mon cerveau, de m’inonder du désir impalpable de jouer avec les lettres et raconter l’invisible qui vit en moi.

    L’intraçable aléatoire des sons qui m’échappent, des sons en suspension comme l’éternité des mortels. La force de l’imprévisible est descendue réveiller l’apothéose du chahut mutique des pensées qui s’entrechoquent. dans la source féconde, là où niassent les rêves imaginaires s’insurge le monde.

    L’écriture a rempli mon espace et j’adore la sensation de me sentir en vie dans cette extase identitaire de partager mes mots.

Hélène Nicolas, dite « Babouillec  autiste sans parole » / Algorithme éponyme et autres textes (Introduction)