« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

La femme superbe


 

 

 

 

 

Je fus cet animal qui ronge et lape

 

se reproduit, à même le sol

 

ainsi étais-je dans le val nuitamment

 

à la recherche de qui mordre qui

 

pénétrer sous les étoiles

 

je vis cette femme — cette femme —

 

dès cet instant j’en fus

 

de rage, conquis, ah! corps humain!

 

je te confie mon sper-

 

me d’âme et ma face peu amène,

 

mes griffes et crocs, ces ongles,

 

mes dents de piège à homme oui

 

tout cela : mauvaisement

 

 

 

Ses sécrétions, ses sueurs et ses urines

 

il s’en repaît de cœur, n’est-elle pas la

 

donneuse de vie?

 

Baroque bloc de

 

calcaire blond la voici qui s’allonge,

 

se

 

tend, se cabre, offrant au marcheur las

 

cette fleur,

 

égale de la gentiane rare d’al-

 

titude!

 

Ses sécrétions, ses sueurs et ses urines,

 

bientôt toutes ses

 

larmes de dos.

 

 

 

Me voici,

 

la face entière

 

dans les poils de

cette femme superbe,

 

portés avec élégance

doux et blonds.

 

Tous deux nous sortons de

la crinière ardente d’une vallée esseulée

où gesticule la bave noire d’

un torrent semblable

 

aux excréments d’un dieu primaire.

 

Et

je lui dis qu’elle est unique,

ainsi:

 

statue

de sainte et de putain

 

sur

son socle géant.

Franck Venaille / Tragique