Ours
Par domcorrieras, le mardi 25 juillet 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
Ourse morte debout,
pattes sur bûche tombée,
hurlant. Transpercée
en plein cœur.
Le chasseur ne voulait que la tête,
la dépouille. Je l’ai mangée
pour lui épargner la benne où on l’aurait jetée
nue parmi les ordures,
sas peau, comme nous le serions,
écorchés,
rouge mort.
Reviennent maintenant des rêves d’ursidés
pour l’avaleur d’ours : ô Dieu,
les ours sont descendus le long de la colline,
des ours de partout sur la terre,
de toutes couleurs, tailles, quittant
lentement la forêt derrière la cabane.
J’ai dégringolé
de huit cent mètres pour mourir dans le fleuve,
poussé. Puis les roues ont grincé ;
j’ai filé avec le courant le temps de m’accrocher
à un sapin blanc, l’esprit bondissant un pas en arrière,
pour l’apercevoir, mi-oiseau, mi-ours,
au réveil dans l’arbre en train de sécher
ses plumes et fourrure.
Hotei* et ours
assis côte à côte,
disparaissent l’un et l’autre.
Qui dira qui
de nous est un ?
Nous avons chargé les troncs de cinq cents kilos
à la main, le camion vacillait.
Stoppé pour caresser mon ami et secours,
l’ours à mon côté, œil contre œil,
souffle contre souffle.
Et maintenant ce soir, grande lune bleue
de novembre. Tressaillant de me trouver à longer l’arête d’un marais embrumé
aux ténébreux mélèzes, de humer l’air humide
et froid, délicieux au clair de lune.
Impossible tentation de cette ciguë noirâtre,
démangeaison de tout abandonner, de rentrer
le ventre vide en traînant, avec le carré
jaune de la lampe entre les arbres,
de me détourner,
de délaisser encore cette forme humaine.
* Hotei : L’un des sept dieux zen du bonheur (N.d.T.)
Jim Harrison / L’éclipse de lune de Davenport
traduit de l’américain par Jean-Luc Piningre