« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

CONVERSATION À L’INTÉRIEUR D’UN MUR


 

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Déjà

ce que j’écris s’efface

en l’écrivant

 

Comme une lampe

encore chaude

que la lumière a fuie

 

Un phare

qui ne sait plus

où la mer s’est retirée

 

Un oiseau

qui se retourne

et ne voit rien du vent

qu’il a brassé

 

Où est l’amour

et que s’est-il passé

ces derniers dix millions

de siècles

 

*

 

Rien n’est venu

de ce que nous attendions

avec l’impatience

de ceux qui grattent pour

compter les jours

dans les plâtres des murs

 

Aucune aube

qui soit restée une aube

aucune lumière

que l’ombre ne rattrape

 

Et nous nous sommes

mis à aimer l’obstiation

aveugle des vinaigres

l’amertume

insatisfaite des alcools

qui disaient

rien n’est venu

 

Maintenant

nous sommes ce que

l’attente a fait de nous

 

Et qui sait

si l’absence de réponse

n’était pas ce

que nous attendions

 

*

 

J’ai rencontré mon âme

ou quelque chose comme ça

 

Dans la rue où elle mendie

j’ai fait semblant de ne pas voir

 

J’ai croisé mon cœur

ou quelque chose comme ça

 

Au premier rang d’un défilé

derrière les drapeaux noirs

 

Et j’ai filé comme si j’avais

à faire ailleurs

 

Alors en rentrant j’ai bu

le bol de lait du chat

 

Car quelque chose au fond

de moi

la solitude

ou quelque chose comme ça

miaulait pour qu’on l’adopte

 

 

 

 

2004

Werner Lambersy / L’éternité est un battement de cils