LA FILLE DE JOIE
Par domcorrieras, le dimanche 26 février 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
Le brouillard glissait dans les ruelles
Lentement Toulon disparaissait
Et parmi les ombres irréelles
La sueur aux tempes je te suivais.
Je t’avais aperçue sous un porche
Les seins nus sous un grand châle noir
Que tu ouvrais quand dans la rue Hoche
Les marins se pressaient pour te voir.
J’étais ivre de vent et de pluie
Supplicié par un désir sans fard
Quand dans la brume aux couleurs de suie
Mes seize ans t’imploraient du regard.
Je t’avais suivie dans cette chambre
Où j’ignorais tout du rituel
Payer avant que le corps se cambre
Payer pour le droit d’être cruel.
Je fus maladroit et toi si douce
Tu m’as dit en t’approchant de moi
« Tu trembles n’aie pas peur joli mousse
Je sais que c’est ta première fois. »
Après t’être penchée sur mon ventre
Sur un vieil édredon délavé
Tu m’as appris qu’il est parfois tendre
Et si troublant d’être dépravé.
J’ai aimé ton vieux corps de Madone
J’ai aimé tes seins lassés d’amour
Ce calice aux parfums de l’automne
Où expiraient tes amants d’un jour.
J’ai aimé ton corps d’enfant malade
Qui a rassasié mille marins
`Tous les marins ivres de la rade
Qui venaient désaouler leur chagrin.
Et qui venaient frapper à ta porte
Prélever leur part de tes vingt ans
Et t’enivrer de leur liqueur forte
Qu’en buvant tu remboursait comptant.
Je me suis rhabillé en silence
Une personne grinçait au vent
J’avais mal à mon adolescence
L’homme venait de tuer l’enfant.
enfin tu m’as rendu à la brume
Et dans les eaux noires de la nuit
J’ai exorcisé mon amertume
En vomissant mon rêve détruit.
Depuis j’ai erré dans les méandres
D’un plaisir toujours inassouvi
Que de corps emmêlés, que de chambres
Larmes glacées au vent de l’oubli.
J’erre et je te cherche et je t’invente
Sans pouvoir t’atteindre désormais
Ombre du passé première amante
Je t’aimais le sauras-tu jamais ?
J’erre et je te cherche dans ces antres
Où je n’en finis pas de mourir
ET ces filles penchées sur mon ventre
Ne sont là que pour me souvenir.
Le brouillard glisse dans la rue Hoche
Il pleut j’ai froid où donc es-tu ?
Une vieille femme sous ton porche
M’a dit que tu ne reviendrais plus.
Jean-Paul Sermonte / Poèmes amoureux