« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ainsi, il faudra donc que ce soit l’ange


 

 

 

 

Ainsi, il faudra donc que ce soit l’ange

qui boive à mes traits lentement

le vin maintenant plus limpide des visages.

assoiffé, qui t’a fait signe de venir ?

 

Que tu aies soif. Toi dont le torrent

de Dieu s’abîme en chaque veine. Que

toi, tu aies encore soif. Abandonne-

toi à la soif. (Comme tu m’as saisi !)

 

Pour moi qui m’écoule, je sens combien ton regard

était sec, et je m’incline à tel point vers ton sang

que je submerge tes sourcils,

leur pure arcade, entièrement.

 

……………………………………..

 

So, nun wird es doch der Engel sein,

der aus meinen Zügen langsam trinkt

der Gesichte aufgeklärten Wein.

Dürstender, wer hat dich hergewinkt?

 

Daß du dürstest. Dem der Katarakt

Gottes stürzt durch alle Adern. Daß

du noch dürstest. Überlaß

dich dem Durst. (Wie hast du mich gepackt.)

 

Und ich fühle fließend, wie dein Schaun

trocken war, und bin zu deinem Blute

so geneigt, daß ich die Augenbraun

dir, die reinen, völlig überflute.

Rainer Maria Rilke / Poèmes à la nuit
traduit de l’allemand par Gabrielle Althen et Jean-Yves Masson