PSAUME XLVIII
Par domcorrieras, le mardi 8 novembre 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
Oyez toutes gens,
prêtez tous l’oreille,
vous qui habitez
le rond de la terre.
Tant vous plébéiens
que vous hommes nobles,
pêle-mêle en un,
le pauvre et le riche.
Ma bouche parler
veut de choses sages ;
mes conceptions
seront de prudence,
au fond de mon cœur.
Et à mes proverbes
moi-même j’aurai
l’oreille attentive
pour en exposer,
au son de ma harpe,
les obscurités.
Pourquoi dois-je craindre
en ce mauvais jour,
lorsque mes offenses
me talonneront ?
Que ceux qui s’attendent
dessus leur pouvoir
et se glorifient
en leurs grands trésors
écoutent mon dire.
S’un frère ne peut
racheter son frère
de mort, comme aura
une autre puissance
de l’en délivrer ?
Il n’est pas possible
de payer à dieu
rançon pour soi-même.
Il n’y a nul prix
pour nous faire vivre
éternellement.
Pourrait-on bien faire
qu’on ne vit la mort,
quand on voit les sages
mourir tous les jours
et périr ensemble
l’idiot et le fol ?
Ils laiss’ront à d’autres
leurs biens ; sans avoir
aucun domicile
que leurs monuments.
Et leurs magnifiques
maisons passeront
de ligne en lignée.
Les terres aussi,
à qui pour mémoire
ils avaient laissé
leur nom et leurs armes.
Si que l’homme étant
en honneur et gloire
y dure bien peu :
il est fait semblable
et périt ainsi
que les bêtes brutes.
Bien que ce chemin
leur tourne à scandale,
pour cela leurs hoirs
ne laissent de suivre
leurs enseignements.
Donc à grande troupes
ainsi que brebis,
en la fosse obscure
ils trébucheront :
la mort éternelle
les engloutira.
Et à la belle aube
du grand jour sans fin,
ceux qui seront justes
les domineront :
leur force et puissance
au fond de l’Enfer,
après leurs triomphes
se consumera.
…/…
Blaise de Vigenère (1523-1596) / in Paul Eluard - La poésie du passé - anthologie