« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

PSAUME XLVIII


 

 

 

 

Oyez toutes gens,

prêtez tous l’oreille,

vous qui habitez

le rond de la terre.

 

Tant vous plébéiens

que vous hommes nobles,

pêle-mêle en un,

le pauvre et le riche.

 

Ma bouche parler

veut de choses sages ;

mes conceptions

seront de prudence,

au fond de mon cœur.

 

 

Et à mes proverbes

moi-même j’aurai

l’oreille attentive

pour en exposer,

au son de ma harpe,

les obscurités.

 

Pourquoi dois-je craindre

en ce mauvais jour,

lorsque mes offenses

me talonneront ?

 

Que ceux qui s’attendent

dessus leur pouvoir

et se glorifient

en leurs grands trésors

écoutent mon dire.

 

S’un frère ne peut

racheter son frère

de mort, comme aura

une autre puissance

de l’en délivrer ?

Il n’est pas possible

de payer à dieu

rançon pour soi-même.

 

Il n’y a nul prix

pour nous faire vivre

éternellement.

 

Pourrait-on bien faire

qu’on ne vit la mort,

quand on voit les sages

mourir tous les jours

et périr ensemble

l’idiot et le fol ?

 

Ils laiss’ront à d’autres

leurs biens ; sans avoir

aucun domicile

que leurs monuments.

 

Et leurs magnifiques 

maisons passeront

de ligne en lignée.

 

Les terres aussi,

à qui pour mémoire

ils avaient laissé

leur nom et leurs armes.

 

Si que l’homme étant

en honneur et gloire

y dure bien peu :

il est fait semblable

et périt ainsi

que les bêtes brutes.

 

Bien que ce chemin

leur tourne à scandale,

pour cela leurs hoirs

ne laissent de suivre

leurs enseignements.

 

Donc à grande troupes

ainsi que brebis,

en la fosse obscure

ils trébucheront :

la mort éternelle

les engloutira.

 

Et à la belle aube

du grand jour sans fin,

ceux qui seront justes

les domineront :

leur force et puissance

au fond de l’Enfer,

après leurs triomphes

se consumera.

 

…/…

Blaise de Vigenère (1523-1596) / in Paul Eluard - La poésie du passé - anthologie