« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE SOLEIL CACHE L’HORIZON


 

 

 

    Des grandes courses en Amérique, en Chine, en France, en Allemagne, on revient plus las encore du jeu des mouvements.

    Il y a les lacs et les îles, ce qui est exactement la même chose.

    Symphonie qui projette une couleur marron sur nos ventres :

    « Si tu savais comme je t’aime, quel beau roman nous allons vivre ! «  Et ils allument la lampe pour cacher leur nudité, leur nudité qui tremble sous la lumière de la lune. Ces individus-là se comptent par centaines de millions et leur personnalité, dans une langue ou costume différents, n’existe que pour faire la même chose.

    Ne travaillez pas, n’aimez pas, ne lisez pas, pensez à moi ; j’ai trouvé le rire nouveau qui donne le laisser-passer. Il n’y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n’y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout.

    Un de mes amis, esprit mobile et exalté, me disait trouver des différences entre les œuvres littéraires, picturales ou musicales, je n’étais pas de son avis et nous eûmes une longue conversation sur ce sujet ; notre délire dura près d’une heure, jusqu’au moment où nos cervelles transformées plus ou moins en bouillie, nous permirent de constater le néant de toutes théories physiques ou métaphysiques.

    Au cours de la discussion un autre de mes amis était intervenu et sa lucidité s’était soudain obscurcie par le fait qu’il apercevait la lumière extérieure qu’il projetait sur lui-même : le mot lumière n’existe pas, mais la lumière existe, est-elle vibration ou humidité ? etc., etc.    

    « Il y a des hommes qui ont la tête en bas, comme les plantes, et qui regardent avec leurs pieds ! » telle fut la conclusion de notre conversation sur l’intelligence et nous eûmes l’impression d’échapper pour quelques minutes à la folie des hommes qui comprennent et expliquent…

Francis Picabia / Jésus-Christ Rastaqouère